Histoire

Une rive née de la Correction des eaux du Jura

La Grande Cariçaie, telle qu’on la connaît actuellement, est née de la 1ère Correction des eaux du Jura à la fin du XIXe siècle (1ère CEJ). Ces grands travaux destinés à « assainir » les plaines inondables du Seeland, de la Broye et de l’Orbe (le Grand Marais) ont constitué une véritable révolution, autant pour l’écologie des zones littorales de la rive sud du lac que pour les sites historiques. Suite à ces travaux, le Grand Marais disparut, remplacé par les cultures. Faune et flore sauvages ont alors pu se réfugier dans les nouveaux marais qui sont apparus tout au long de la rive sud-est du lac de Neuchâtel, sur un vaste plateau de sable arraché pendant des millénaires à la falaise de molasse longeant la rive. Dès lors, la Grande Cariçaie était née, compensation heureuse mais involontaire à la destruction du Grand Marais.

1ère CEJ

Au milieu du 19ème siècle, les plaines de l’Orbe, du Seeland et de la Broye n’étaient encore que de vastes marais, s’inondant au gré des saisons et des divagations des rivières. En bordure de ce Grand Marais, de fréquentes inondations détruisaient régulièrement habitations et cultures. Les autorités de l’époque décidèrent alors d’entreprendre la « première correction des eaux du Jura » (CEJ) dans le but d’assécher le Grand Marais et de mettre les plaines alluviales en culture.

De gigantesques travaux hydrauliques furent entrepris entre 1868 et 1891. On élargit le canal reliant le lac de Morat au lac de Neuchâtel (canal de la Broye) et celui reliant le lac de Neuchâtel au lac de Bienne (canal de la Thielle). On corrigea et élargit l’exutoire du bassin des trois lacs à Nidau, on dériva l’Aar dans le lac de Bienne en creusant un nouveau canal, le canal de Hagneck. Enfin, on mit en place un vaste réseau de canaux de drainage dans les plaines de l’Orbe, de la Broye et du Seeland.

Ces travaux eurent pour conséquence la baisse du niveau des trois lacs d’environ 3 m (le lac de Neuchâtel se stabilise à env. 429.30 m), la disparition en quelques années du Grand Marais qui couvrait alors près de 400 km² et l’apparition de la Grande Cariçaie sur la rive sud du lac de Neuchâtel, sur des hauts-fonds sableux désormais émergés. La 1ère correction permit non seulement d’étendre les cultures sur les berges mais aussi la découverte de nombreux sites préhistoriques qui étaient jusqu’alors immergés.

Dans les années 1870, juste après la 1ère correction des eaux du Jura, la Grande Cariçaie était une vaste grève sablonneuse sans végétation, exposée aux inondations du lac. Depuis cette date, soumise à des mécanismes naturels puissants (colonisation par la végétation, érosion par les vagues et le courant, dépôts d’alluvions par les cours d’eau), elle évolue vers un nouvel équilibre.

Les Trente Glorieuses

D’abord dédaignées des populations riveraines, car se prêtant mal à l’agriculture, les terres nées de la 1ère CEJ trouvèrent leur vocation au milieu du 20ème siècle avec le développement des loisirs lacustres. A cette époque, des entrepreneurs rêvaient même d’édifier une véritable Venise lacustre du côté de Champ-Pittet.

Suite à la 1ère CEJ et à l’abaissement du niveau du lac de trois mètres, de vastes étendues de sable et de limons (les grèves) apparurent au pied des falaises molassiques de la Rive sud. Ces terres n’intéressèrent d’abord guère les communes riveraines, plutôt tournées vers l’agriculture et l’arrière-pays. Au début du 20ème siècle, les communes refusèrent même d’acheter ces terrains pourtant cédés à bas prix par les cantons.

Régulièrement inondées et peu accessibles, les rives se prêtaient en effet mal aux grandes cultures. Seuls quelques habitants s’y intéressaient : ils pratiquaient la pêche, la chasse et utilisaient la paille des prairies fauchées comme litière et les roseaux pour la confection de nattes et de panneaux isolants. Ils plantèrent diverses essences forestières (surtout Pin sylvestre et Peuplier). Pour le reste, les grèves furent abandonnées à la nature.

Dès 1910, ces grandes étendues sauvages éveillèrent par contre l’intérêt des premiers naturalistes, des ornithologues en particulier, qui découvrirent la valeur biologique extraordinaire des lieux. Tombés sous le charme des rives, des navigateurs de la Rive nord s’y intéressèrent également. C’est ainsi qu’en 1930, à leur demande, les cantons octroyèrent les premières concessions pour aménager des chalets de vacances.

Pendant la 2ème Guerre Mondiale, la recherche d’autosuffisance alimentaire de la Suisse entraîna des défrichements et des tentatives de drainage et de mise en culture de plusieurs centaines d’hectares en zone riveraine. Dans la plupart des cas, ces tentatives échouèrent, du fait des inondations régulières des rives. A la fin de la guerre, la reprise économique poussa quelques investisseurs à développer le tourisme sur la Rive sud. Des zones résidentielles et des ports de petite batellerie furent alors construits. Certains promoteurs rêvaient même d’édifier une Venise lacustre sur le marais de Champ-Pittet. Malgré les premières mesures en faveur du maintien de zones naturelles riveraines dans le Bas-Lac, près d’un quart de la Rive sud avait été transformé en zones touristiques à la fin des années 1970 (ports, campings, secteurs de résidences secondaires, etc.).

2ème CEJ

Depuis la 1ère CEJ, les terres du Seeland s’inondaient de plus en plus souvent en raison de la minéralisation et de l’affaissement des sols tourbeux, ce qui compromettait leur exploitation. Une deuxième correction des eaux du Jura (2ème CEJ) fut envisagée afin de réduire davantage les variations saisonnières (de près de trois mètres) qui subsistaient encore entre hauts et bas niveaux du lac.

Des travaux complémentaires, mais moins lourds que les précédents, furent entrepris entre 1962 et 1973. Ces travaux portèrent principalement sur la construction du barrage de régulation de Flumenthal et l’élargissement des canaux de la Broye, de la Thielle et de Nidau. Cette deuxième tranche de travaux permit de stabiliser les fluctuations du niveau des lacs et ramena l’écart maximal entre hautes eaux et basses eaux de 3 m à 1,8 m et l’écart annuel moyen de 1,5 m à 0,85 m.

La Grande Cariçaie, depuis ces travaux, souffre d’un manque d’inondation naturelle. Conséquences : les étangs se ferment, colonisés par les roseaux, les prairies marécageuses s’assèchent, s’embroussaillent et évoluent plus rapidement vers la forêt. Des travaux d’entretien sont dès lors nécessaires pour maintenir les milieux naturels.

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